La société civile immobilière (SCI) est un outil juridique souvent utilisé pour faciliter la gestion et la transmission d’un patrimoine immobilier. Au-delà de ses avantages classiques, elle peut s’avérer particulièrement utile dans certaines situations spécifiques. Nous explorons ici trois cas de figure où le recours à une SCI permettrait de résoudre des problématiques complexes.
Le cas du majeur protégé
Transmettre un patrimoine immobilier à un enfant majeur sous tutelle ou curatelle représente un défi de taille pour les parents. Les mesures de protection juridique mises en place ont en effet une durée limitée et doivent être régulièrement réévaluées par le juge des tutelles. Cette incertitude soulève de nombreuses interrogations quant à la gestion future des biens transmis.
La constitution d’une SCI familiale offre une solution élégante à ce problème épineux. Les parents apportent leurs biens immobiliers à la société, puis cèdent progressivement les parts aux enfants, profitant au passage des abattements fiscaux avantageux. L’un des parents est nommé gérant de la SCI, avec des pouvoirs très étendus définis dans les statuts. Cette fonction pourra être reprise par l’autre parent à son décès, voire être confiée à d’autres gérants successifs préalablement désignés.
Grâce à une rédaction sur mesure des statuts, le gérant disposera de prérogatives très larges pour accomplir seul tous les actes de gestion courants, sans avoir à solliciter l’intervention du curateur ou du juge. Cette autonomie décisionnelle permet d’assurer une gestion pérenne et cohérente du patrimoine, même lorsque la mesure de protection arrive à échéance.
Un atout pour les familles recomposées
Dans les familles recomposées, avec des enfants issus d’unions précédentes, la transmission du patrimoine immobilier peut rapidement se compliquer. Le souhait légitime d’offrir au conjoint survivant la possibilité de rester dans le logement familial jusqu’à son dernier jour se heurte aux contraintes de l’indivision et du démembrement de propriété avec les beaux-enfants.
Là encore, la SCI apporte des solutions sur mesure. Une première piste consiste à faire acquérir le bien immobilier par la société, détenue à parts égales par les deux membres du couple. Un démembrement croisé des parts est alors mis en place : chacun est usufruitier de la moitié des parts et nu-propriétaire de l’autre moitié. Au décès du premier, le survivant récupère ainsi la pleine propriété des parts dont il avait la nue-propriété, tout en conservant l’usufruit de l’autre moitié transmise en nue-propriété aux beaux-enfants. Il peut donc demeurer dans le logement jusqu’à la fin de ses jours.
Ce schéma présente un intérêt fiscal notable pour les couples de concubins, qui échappent ainsi aux lourds droits de succession (60%) auxquels ils auraient été soumis en cas de transmission en indivision. Pour les couples mariés ou pacsés, déjà exonérés de ces droits, l’avantage réside plutôt dans la possibilité de faire obstacle à l’action en retranchement des enfants non communs. En insérant une clause de tontine au profit du conjoint survivant dans les statuts, ce dernier devient propriétaire de la totalité des parts sociales au décès de son époux, sans que les enfants du premier lit ne puissent contester cet avantage matrimonial.
Choisir librement ses “héritiers”
Au-delà des cas particuliers évoqués précédemment, la SCI offre surtout une grande liberté pour organiser la dévolution du patrimoine à son décès. Contrairement à une succession classique régie par des règles d’ordre public, le droit des sociétés autorise de nombreuses modulations dans la transmission des parts.
Les statuts peuvent ainsi prévoir que la société continuera uniquement avec les associés survivants, écartant d’éventuels héritiers non désirés. Ils peuvent également désigner nommément les personnes appelées à recueillir les parts à l’avenir, qu’il s’agisse du conjoint, d’un ou plusieurs héritiers, voire de tiers extérieurs à la famille. Une telle disposition peut utilement compléter des volontés exprimées par testament.
Cette souplesse permet de s’affranchir en grande partie des règles successorales contraignantes, comme la réserve héréditaire ou le droit éventuel du conjoint survivant. Les héritiers évincés de la société conservent certes un droit à indemnisation, mais dont le montant peut être plafonné par avance dans les statuts. La SCI apparaît ainsi comme un outil de transmission “à la carte” du patrimoine, modelable en fonction des situations et des volontés particulières.
Si ces différents montages offrent une réelle liberté d’organisation, ils ne sont cependant pas à l’abri de tout risque contentieux. Les dispositions trop favorables au conjoint survivant pourraient par exemple être remises en cause au titre de l’abus de droit ou de la réserve héréditaire. Une réflexion approfondie avec des conseils avisés reste indispensable pour sécuriser ces schémas sur les plans civil et fiscal.
Au final, la société civile immobilière confirme sa polyvalence en permettant de résoudre des problématiques très diverses liées à la détention d’un patrimoine immobilier. Outil de gestion, de transmission, mais aussi de structuration juridique et fiscale, elle offre une grande modularité pour s’adapter aux situations les plus complexes. Un atout précieux pour les familles soucieuses d’organiser sereinement leur patrimoine sur le long terme.
Source : Les Echos